Jurisprudence : licenciement d’une assmat enceinte (mars 2018)
Les parents de Paul étaient sûrs d’eux : ils avaient le droit de licencier l’assistante maternelle enceinte puisque Paul entrait à l’école maternelle, et qu’en plus la nounou les a prévenus de sa grossesse après avoir été licenciée. Malheureusement ce n’est pas l’avis de la Cour de Cassation…
Que s’est-il passé ?
Les parents de Paul ont demandé l’inscription de leur enfant à l’école maternelle, en très petite section, en Janvier 2012. Sa grande soeur Juliette et son grand frère Victor sont déjà scolarisés dans cette école.
Cette inscription a été acceptée en Mars 2012, et un courrier leur a confirmé en Juin 2012 que leur enfant entrerait bien à l’école en Septembre 2 jours par semaine « sous réserve que sa maturité physiologique soit compatible avec la vie scolaire » (autrement dit jusqu’à acquisition de la propreté), puis 5 jours par semaine.
Ils vont donc continuer à employer une assistante maternelle mais 3 jours par semaine seulement, et pendant une période courte, le temps que Paul soit propre. Puis ils avaient l’intention d’employer l’assistante maternelle en accueil périscolaire, le matin avant l’école et le soir après l’école.
Ils en parlent à leur assmat, qui d’après eux, leur dit que ça ne l’intéresse pas de continuer à accueillir Paul 3 jours par semaine « sauf à être payée à temps plein ».
Ils décident donc de la licencier l’assistante maternelle, et envoient une lettre de licenciement à l’assistante maternelle par retrait d’enfant le 15 juillet 2012.
Le 31 juillet (donc dans le délai de 15 jours prévu par la loi), celle-ci leur envoie un courrier les informant de sa grossesse, avec copie du certificat de grossesse.
Les parents de Paul décident de poursuivre la procédure puisque le motif de licenciement est étranger à sa grossesse. La preuve : leur demande d’inscription à l’école date de Mars et le licenciement été fait alors qu’ils n’étaient pas informés de la grossesse de l’assistante maternelle. De plus, « cette scolarisation entraînait la modification du contrat de l’assistante maternelle enceinte et la mettait dans l’impossibilité de retrouver son précédent emploi assorti d’une rémunération au moins équivalente »
Leur licenciement leur semble donc valide !
La Cour de Cassation n’est pas de cet avis, annule le licenciement et les condamne à payer les 4500 € prévus par la Cour d’appel.
Pourquoi ce licenciement de l’assmat enceinte a-t-il été jugé nul ?
Légalement, l’article L. 423-24 du Code de l’action sociale et des familles autorise les parents employeurs d’une assistante maternelle à la licencier sans avoir à justifier par un motif précis ce retrait d’enfant. Malgré cela, le motif du licenciement ne doit pas être illicite ou abusif… Or le Code du Travail comme la Convention collective des assistantes maternelles sont très clairs : est illicite le retrait d’un enfant fondé sur la maternité de l’assistante maternelle. Car, comme toute salariée, l’assistante maternelle bénéficie, dès lors qu’elle est enceinte et jusqu’à dix semaines après la fin de son congé de maternité d’une protection contre le licenciement. Les parents ne peuvent dans ce cas la licencier que si elle a commis une faute grave non liée à son état de grossesse ou si les parents sont dans « l’impossibilité, pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement, de maintenir le contrat de travail ».
C’est ce « maintenir le contrat de travail » qui a fait la différence ainsi.
Les parents de Paul auraient dû lui proposer officiellement de modifier le contrat de travail de l’assistante maternelle pour garder Paul 3 jours par semaine, via un avenant écrit. Si l’assmat avait refusé par écrit, le motif de licenciement aurait sans doute été jugé valide par la Cour de Cassation.
Mais ils se sont contentés d’un refus ORAL. Or l’assmat nie avoir refusé ce changement.
La Cour de Cassation a donc relevé que « l’employeur ne prouvait pas le refus de l’intéressée d’accepter les nouvelles conditions de garde de l’enfant qui lui avaient été proposées« . Le contrat aurait donc théoriquement être maintenu, bien que modifié.
La Cour de Cassation en conclut que l’employeur « ne justifiait pas de l’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement« .
Cour de cassation, chambre sociale, n° 16-17886,31 janvier 2018.